Ecris libre

Bonne jalousie

Fred et moi ne sommes pas tout à fait exclusifs. Il y a cette fille, appelons-là Lucie, une amie d’un ami avec qui Fred a sympathisé. Il nous a présenté et nous avons accroché petit à petit, jusqu’à devenir des potes. Puis, un soir, nous avons fini dans le même lit, à trois. Si au début, je ressentais une certaine jalousie pour leur relation, Fred a réussi à me rassurer et j’ai développé une attirance pour Lucie. Malheureusement, avec les cours, je n’ai pas vraiment l’opportunité de la voir. Fred travaille en interim quelques fois, il habite plus près de chez elle, bien que ce soit un peu loin pour lui aussi.

Depuis toujours, je sais que je suis attirée par les femmes au moins autant que par les hommes, sinon plus. Le problème, c’est que je n’avais jamais expérimenté de relations sexuelles et amoureuses avec une femme. Mon plus gros coup de coeur envers une femme, je l’ai ressenti à mes treize ans, pour une fille d’une autre classe. On s’était rapprochée pendant l’été, si bien qu’on passait toutes nos journées ensemble. C’est vraiment à partir de ce moment-là que je me suis rendue compte que oui, j’étais bel et bien bisexuelle. A part pour Fred, je n’ai jamais ressenti quelque chose d’aussi douloureusement agréable pour quelqu’un. Même des années après, je ressentais toujours un semblant d’attirance pour cette fille. Elle m’avait rejetée avec la pire excuse du monde, en reniant jusqu’à ma propre attirance pour la gente féminine. Je peux comprendre qu’elle aie pu penser que je voulais avant tout être à la mode, mais non. Du fond de mes tripes, je sentais que je voulais qu’il se passe un truc entre elle et moi. J’aime à me souvenir de cette période. Il y a toujours en fond la bande sonore du jeu Life is Strange. Elle était ma Chloé, j’étais sa Max.

Je n’ai pas eu les meilleures expériences du monde avec les hommes. Mon premier copain, je préfère ne pas en parler. Le reste de mes relations n’étaient qu’un moyen d’oublier toute la peine qu’il m’avait infligée, en vain. Encore aujourd’hui, j’ai des réflexes, de mauvaises habitudes que j’ai prises lors de cette relation. Fred m’a permis d’y voir un peu plus clair et de m’affirmer, de prendre du recul par rapport à cette personne.

De cette relation subsiste une peur terrible de se faire avoir, d’être manipulée. J’ai été trompée, forcée, ridiculisée.

Au début, avec Fred, nous étions plutôt un couple traditionnel. Pas de meilleurs amis du sexe opposé pour l’un ou l’autre. Peu de contact avec la gente féminine pour Fred, idem de mon côté avec les garçons. Cela tenait principalement de ma jalousie et de son manque de confiance à mon égard. J’ai la fâcheuse manie d’adapter mon discours et de pas révéler toutes les nuances de peur de ne pas être prise au sérieux par la suite.

Deux ans sont passés et nous voilà en train d’entretenir une relation avec Lucie. Elle ne souhaite pas de trouple, bien qu’on ressente tous les trois une attirance mutuelle. C’est une fille marrante, libérée, peut-être un peu trop. J’ai l’impression qu’elle cherche en vain quelque chose. Elle a pas mal de plans culs. Récemment, elle m’a avoué qu’elle avait rencontré quelqu’un. Même si je l’adore et que j’aimerais de nouveau une nuit en sa compagnie, j’espère au fond de moi qu’elle se mettra en couple avec ce garçon. Il lui faut de la stabilité.

Par stabilité, je n’entends pas forcément une relation exclusive. A vrai dire, je ne pense pas que quiconque soit fait pour ça.
Fred et moi sommes conscients que c’est la clef pour garder du désir l’un pour l’autre sur le long terme.
Mon attirance pour les femme l’arrange bien. On se fait mutuellement plaisir, et je sais que je ne suis que plus attirante pour lui quand il me voit entreprendre des choses avec une femme. La jalousie a quelque chose d’excitant, mais nous n’en abusons pas au point de nous faire du mal. La communication avant tout. Nous avons nos propres règles, j’ai davantage de droit que lui par rapport à ce que je peux faire avec elle, parce que je suis une femme, lui un homme. Nous sommes conscients de nos différences et n’essayons pas de reproduire une pseudo égalité.

Alors, ça me va comme ça. Parfois, je ressens un peu de gêne et de jalousie, mais pas au point d’en souffrir réellement. Il m’aide à y voir clair, et je le connais suffisamment pour savoir que ce n’est pas dans son intérêt de me manipuler ou de me mentir. Et puis, c’est aussi ça, vivre. Prendre des risques. Je pourrais le perdre à tout moment, mais je lui fais confiance. Comment est-ce que je pourrais prétendre vouloir passer ma vie avec lui si je ne remets pas en jeu notre relation parfois ?

Je me rends compte que l’exclusivité pure a développé chez les femmes la mauvaise manie de se faire des films pour rien. Nous en devenons chiantes, parce que nous savons au fond de nous que l’exclusivité n’est pas naturelle. Notre homme sera attiré par d’autres femmes, c’est indéniable. J’ai cette chance de pouvoir ressentir la même excitation, et d’avoir à peu près les mêmes goûts que mon chéri. Ma relation passée m’a fait rejeter ce besoin pendant des années, parce que je n’avais pas consenti à une relation multiple, j’étais bien trop jeune. Cette relation n’a rien à voir avec celle que je cultive avec Fred et cette nana.

On verra bien où tout cela nous mènera… Je connais mes limites, Fred connait les siennes, et vice et versa.

Il me sort parfois que Lucie a rendu notre relation bien meilleure, et même si ça me gêne de l’admettre, il a raison. Je suis humaine, avec mes peurs en bandoulière. Forcément, il reste un fond de jalousie.

Je me sens entière en ce moment. Mon nouveau tatouage y est probablement pour beaucoup, ainsi que tout ce que je viens de réaliser (voir les anciens post dans ce journal).

Me sens bien.