Remise en question
Je reviens avec ce qui, pour les rares personnes qui doivent me lire, va sonner sans doute comme évidence. Je n’aurais jamais dû laisser Fred prendre autant d’importance dans ma vie. Mes émotions peuvent être légitimes parfois, et il ne faut pas que je les oublie. J’avais raison à propos de Moon quand je sentais qu’elle n’était qu’une opportuniste. Elle se pointe chez moi quand ça l’arrange et m’ignore le reste du temps quand je lui propose de sortir, ou trouve une excuse bidon, comme tous les autres. Il y a peut-être quelque chose en moi qui déplaît aux autres, mais je ne pense pas que tout soit à jeter. J’avais aussi raison pour Lucie, mais je vais peut-être changer de surnom, ce prénom est bien trop jolie pour une fille comme elle. Elle m’avait tout l’air d’une fille hypocrite, une nana à problèmes, qui ne sait pas ce qu’elle veut, instable dans le mauvais sens du terme, et ça n’a pas raté. Pourtant, je devrais réagir comme un homme et laisser de côté mes pressentiments. Ou non, ce n’est pas vraiment ce que Fred m’a suggéré de faire toute à l’heure. Il devait être entouré de ses potes, c’est bien pour ça que j’ai du mal avec les mecs, leurs groupes de potes gâchent toujours tout. Il faut toujours qu’ils prouvent quelque chose à la meute, ça en devient lassant.
Fred pense que je suis douée de super pouvoirs, que je suis capable de lire dans son cerveau, il doit sans doute penser que je n’ai que ça à faire.
J’ai envie de changer de vie. Fini de traîner avec des gens que je ne sens pas pour simplement ne pas avoir l’air d’une cruche à ses yeux. Je n’ai pas de problèmes sociaux, il y a juste certains comportements que je ne peux pas blairer, ça s’appelle avoir des goûts et une personnalité. Fini de m’excuser sans arrêt et de me plier à ses avis. S’il continue de me rabaisser à nouveau, je me casse. J’ai passé trois années avec lui, il m’a appris beaucoup de choses et je pensais naïvement que notre relation était saine mais je me rends compte que le déséquilibre est toujours présent. Je doute qu’il s’en aille un jour. Il y a des choses à garder de cette relation. Je l’aimerais sans doute toujours un peu. Peut-être bien que je me fais du mouron pour rien et que nous continuerons à rester ensemble, peut-être pour la vie. Je ne veux pas le perdre, mais je ne veux pas non plus perdre ma liberté ou ce que je suis. Je ne veux pas me forcer à rester avec des personnes qui ne me correspondent pas par pure adaptation. Je ne peux pas accepter d’endurer des reproches, d’être rejetée quand je demande un peu d’affection. Il faut que j’arrête de pardonner, je me suis montrée trop soumise.
Ce que j’aimerais rappeler à la personne que je serai demain ou quand je relirai ces lignes, c’est de ne pas s’oublier, de ne pas oublier ce qu’elle mérite, ses ambitions pour un homme. Tu n’as jamais cru aux mirages de la famille traditionnelle et tu le sais. Tu es bien trop solitaire pour supporter la compagnie d’un homme à tes côtés, ses reproches permanents. Tu adopteras un chien et tu vivras dans un van, ma fille, dans un appartement en Bretagne ou une maison de pêcheur si tu en as l’occasion. Ne laisse personne te dicter la manière dont tu dois vivre ta vie, parce que tu n’en as qu’une, que les hommes t’énervent et que tu sais pertinemment que tu serais certainement mieux avec une femme. J’ai rabaissé pendant des années les autres femmes à cause de mauvaises expériences, mais j’imagine que vivre avec Chloé pourrait être particulièrement agréable. Je ne serai pas trop jugée, elle prendrait au sérieux mes envies et mes craintes et saurait m’apaiser. La vie serait parfaite, mais pour le moment, elle vit trop loin, j’aime encore mon Fred mais je sens que mes certitudes sont en train de se briser.
La vérité, c’est que beaucoup d’hommes ont du mal avec le discours féministe parce que ça ne les arrangeraient pas que nous prenions le pouvoir. Ils ont besoin d’une femme pour prouver qu’ils peuvent chasser. Ils ont besoin de gosses pour jouer les héros, ils ont besoin de manger de la viande, de regarder d’autres filles et de se comporter comme de vieux beaufs avec leurs belles voitures pour se prouver un truc. C’est le manuel de l’homme. Quand on leur dit la vérité en face, que nous ne serons jamais les parfaites petites poupées qu’ils voudraient que nous restions tout au long de notre vie, ils s’énervent les bouts de chou, ils crient aux privilèges de la femme. Oh, oui, c’est vrai, c’est injuste, on a plus de chance de matcher avec un mec sur Tinder, mais on a aussi plus de chance de se faire violer aussi :)
Il y a peut-être moins de femmes PDG parce que les hommes passent leur temps à les rabaisser. A force, on se sent illégitime, on bosse, on réfléchit au lieu d’agir et on perd toutes les bonnes occasions de prouver au monde qu’on existe, parce qu’il a fallut qu’un crétin nous dise ce qu’on avait le droit ou pas de faire, selon sa propre logique, qu’il n’appliquera même pas à lui-même parce que monsieur se permet d’être exigeant envers les autres mais jamais trop envers lui-même. Arrête de parler de ton poids et de manger de la salade, par contre ne compte pas sur moi pour ne pas aller vers d’autres filles, c’est le marché chérie. Fallait pas m’écouter, regarde, tu es soumise, c’est pas bieeeeen d’être soumise, il faut réfléchir par toi-même mais si ça ne me va pas je ferai en sorte de remporter le duel, et quand c’est toi qui gagne, je l’effacerai de ma mémoire, comme à chaque fois que tu as raison.
Je suis épuisée mais je me sens plus forte. C’est peut-être un mirage, mais je m’en tape.